Cent pour Sang la Vie contre la Leucémie

Lymphomes : le CHRU de Nancy fait chuter la mortalité avec les CART-T cells

Le Centre hospitalier universitaire de Nancy est l’un des pionniers de la thérapie génique à base de CAR-T cells. Ce traitement permet à certains patients atteints de lymphomes récidivants de gagner en espérance de vie. Un bond médical qu’explique le P r Feugier, chef du service d’hématologie du CHRU.

En quoi ce traitement élaboré avec des CAR-T cells est-il une innovation médicale ?
« Il l’est d’abord dans sa fabrication. C’est une sorte de thérapie génique. On prélève des globules blancs d’un patient et on les manipule pour qu’ils puissent reconnaître des cellules de la maladie. C’est un processus très compliqué. Il faut prélever le malade. Ses globules blancs partent ensuite dans un laboratoire où l’on a trois semaines de fabrication du médicament. Le produit ainsi obtenu est ensuite réinjecté au patient. Une injection coûte 300 000 euros. Et le circuit en lui-même demande une coordination lourde, ainsi que d’importants moyens médicaux (biologistes, neurologues, anesthésistes…). Là où l’on se trouve face à une petite révolution, c’est que les CAR-T cells permettent d’améliorer nettement le pronostic de certains patients. »

Dans quelle proportion les chances de survie sont-elles augmentées ?
« Pour certaines formes de lymphomes, notamment le plus fréquent, le lymphome B, le traitement est indiqué chez les patients qui ont rechuté plusieurs fois. Avec le lymphome B, on parvient à guérir les deux tiers des patients. Pour le troisième tiers, il y a récidive. Si le deuxième traitement ne fonctionne pas, globalement l’espérance de vie est très faible. Moins de 10 % de gens vivent un an après cette troisième évolution. Le traitement permet d’augmenter les chances de réponse de guérison à plus de 40 %. On a un médicament qui multiplie les chances de vie par trois, voire quatre. Dans notre spécialité, on voit cela rarement. D’autant qu’à la troisième rechute, on n’a généralement pas grand-chose à proposer. »

Quels types de cancers ciblez-vous précisément avec cette thérapie ?
« Il y a deux indications actuellement. La principale, ce sont certaines formes de lymphomes (les cancers des ganglions). La seconde indication, plus rare, ce sont certaines leucémies aiguës. »

Pourquoi ne pas administrer ce médicament dès le début de la maladie ?
« D’abord parce que le traitement classique de chimiothérapie, avec une perfusion toutes les trois semaines pendant quelques mois, permet de guérir 70 % des patients. À ce jour, comme ce traitement marche très bien, on essaye de le proposer dès la première rechute dans le cadre d’essais thérapeutiques. »

La thérapie génique est-elle l’avenir de la lutte contre le cancer ?
« La thérapie génique au sens large. Ce qui est réellement l’avenir et qu’on constate depuis plusieurs années, c’est le ciblage. Jusqu’à présent, dans ma spécialité, on faisait de la chimiothérapie qui est un traitement assez grossier. On détruit toutes les cellules qui se démultiplient, sans distinction. Ce qui explique d’ailleurs que l’on perd ses cheveux. Avec les thérapies ciblées, on vise la cellule malade. On peut le faire avec des techniques de thérapie génique, mais aussi avec des anticorps qui vont reconnaître un marqueur de surface (immunothérapie) ou des molécules qui vont modifier le processus de l’ingénierie cellulaire. Il y a plein de nouveaux procédés qui sont plutôt immunologiques au sens large et qui vont cibler directement la maladie. »

Quels sont les prérequis pour que le traitement soit administré à un patient plutôt qu’à un autre ?
« Il faut que la maladie soit, un minimum, contrôlée. Si l’on a un lymphome avec des ganglions qui poussent à vive allure, on n’a pas le temps de préparer le traitement. Il se passe un mois environ entre la prescription, qui est très réglementée, et le moment où l’on pratique l’injection. On a la solution, pour patienter jusqu’à l’injection, de trouver une chimiothérapie destinée à stabiliser la maladie. L’un de ses avantages est qu’il peut être indiqué pour des personnes plus âgées, jusqu’à 70-75 ans, contrairement aux greffes de moelle osseuse ou de sang. »

Les risques de complications sont importants avec les CAR-T cells ?
« Il peut y avoir des réactions immunologiques, notamment neurologiques ou générales. »

Cette technologie médicale va-t-elle être employée pour d’autres cancers que le lymphome ?
« Il va vraisemblablement être étendu à d’autres maladies. Je pense qu’on va devoir accroître nos admissions à moyen terme. Ce qui fait qu’il va nous falloir non seulement des moyens techniques supplémentaires, mais également des têtes et des bras. Vu les résultats encourageants du traitement, tous les centres qui font des CAR-T cells s’attendent à une forte augmentation de leur activité. »

Nancy à la pointe des cellules combattantes
Le CHRU de Nancy a été l’un des établissements pionniers dans l’utilisation des cellules CAR-T mises au point il y a trois ans à peine par des laboratoires internationaux. Il y a dix-huit mois, il était le premier hôpital du Grand Est à miser sur cette biotechnologie. Ils sont, aujourd’hui, une vingtaine de centres accrédités en France. À l’exception de Reims, les CHU de l’est de la France (Strasbourg, Besançon…) détiennent désormais une unité habilitée « CAR-T cells ». L’objectif du CHRU Nancy est de traiter vingt-cinq à trente patients par an. Il prévoit déjà une augmentation de son activité avec l’extension des CAR-T cells à d’autres maladies.

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