Crise des agriculteurs : dans le Vaucluse, ces scientifiques étudient le lien entre cancer et pesticides

Par D.Ta.

Lire l’article sur le site

Le centre hospitalier d’Avignon étudie, avec le concours de patients, d’experts et de chercheurs en sciences sociales et santé publique, le lien entre cancers et substances chimiques. Parmi elles, les pesticides, surreprésentés, inquiètent aussi les mutuelles.
Leucémies, myélomes, lymphomes : depuis six ans, dans le service d’oncologie de l’hôpital d’Avignon, plus de 400 patients sont suivis par le Giscope 84. Ce groupement de soignants, d’experts et de chercheurs investigue auprès d’eux un angle mort de la santé publique : l’exposition professionnelle aux substances chimiques. Ses premiers résultats, rendus publics en 2022, s’étaient révélés édifiants : plus de 60 % de ces malades avaient été exposés aux pesticides au cours de leur carrière.

Pas étonnant dans un département où l’agriculture, le maraîchage, ont modelé l’histoire et les paysages. Une campagne de mesures menée en 2018-2019 par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) et la fédération Atmo France, avait révélé dans l’air des concentrations particulièrement élevées de glyphosate, de pyrimicarbe, de phosmet et de folpel à Carpentras ou Cavaillon.

Partout autour de nous, les toxiques créent une « épidémie qui ne dit pas son nom », encore sous-estimée, alerte Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche à l’Inserm, sociologue en santé publique, à la tête du premier Giscope de France, en Seine-Saint-Denis. « Les malades, les morts, les victimes des pesticides, nous les voyons, confirme Moritz Hunsmann, chargé de recherche au CNRS, codirecteur du Giscope 84. Parfois, quand on trouve le même cancer dans une famille, les gens pensent que c’est génétique. Pas forcément : cela peut être en raison d’une même exposition! »

Le sujet est majeur. Lundi, sept mutuelles de santé organisent à Paris, un colloque accompagné d’une tribune au titre éloquent : « Pesticides : ne répétons pas aujourd’hui les fautes ayant causé la mort de plus de 100 000 personnes intoxiquées hier par l’amiante ». Alors que 23 millions de Français sont touchés par une ou plusieurs maladies chroniques, « nous ne pouvons ignorer ce que disent les études scientifiques (…) qui soulignent la responsabilité des pesticides dans plusieurs de ces maladies », dont le coût est évalué à 104 milliards d’euros par an. « Nous devons prendre rapidement une nouvelle trajectoire pour promouvoir la prévention plutôt que le soin », exhortent les mutuelles.